8 octobre 2010

Le Dernier Jour d'Un Condamné [Part One]



Je levai la tête. Le ciel était bleu, et les rayons chauds du soleil, découpés par les longues cheminées, traçaient de grands angles de lumière au faîte des murs hauts et sombres de la prison. Il faisait beau en effet. A quoi bon ? Je suis condamné aux frais, et tout ce que j'ai y suffira à peine. La guillotine, c'est fort cher. Je laisse une mère, je laisse une femme, je laisse un enfant. Je viens de voir, crayonnée en blanc au coin du mur, une image épouvantable, la figure de cet échafaud qui, à l'heure qu'il est, se dresse peut-être pour moi. J'ai fermé les yeux avec horreur, alors j'ai tout vu plus distinctement. Rêve, vision ou réalité, je serais devenu fou, si une impression brusque ne m'eût réveillé à temps. Je regardai avec terreur tous ces profils sinistres dans leurs cadres de fer. Malheureusement je n'étais pas malade. Pas malade ! en effet, je suis jeune, sain et fort. Le sang coule librement dans mes veines ; tous mes membres obéissent à tous mes caprices ; je suis robuste de corps et d'esprit, constitué pour une longue vie ; oui tout cela est vrai ; et cependant j'ai une maladie, une maladie mortelle, une maladie faite de la main des hommes. Me voici transféré. Je me suis levé, j'ai fait un pas ; il m'a semblé que je n'en pourrais faire un second, tant ma tête était lourde et mes jambes faibles. Je me sentais  emporté avec stupeur, comme un homme tombé en léthargie qui ne peut ni remuer ni crier et qui entend qu'on l'enterre. J'étais devenu machine comme la voiture. Je me sens les cœur plein de rage et d'amertume. La mort rend méchant. Je me revois enfant, écolier rieur et frais, jouant, courant, criant avec mes frères dans la grande allée verte de ce jardin sauvage où ont coulé mes premières années, ancien enclos de religieuses que domine de sa tête de plomb le sombre dôme du Val-de-Grâce...

1 commentaire:

  1. Ce qui est affiché pour les chansons est la référence au passage du texte. Pour ce qui est du nom des chansons, les voici :
    Lever du Matin -> Warm Sound de Zero 7
    Je laisse... -> Sail To The Moon de Radiohead
    Vision d'Horreur -> Anulikwutsayl de John Zorn
    Le Transfert -> Op. 28: Prélude No. 4 en E Mineur d'Arthur Rubinstein

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