28 janvier 2011

Tympon chez les Empereurs Noirs


 Godspeed You! Black Emperor




Préface

Nous y allons en stop. Parce que pour ce genre d'évènement, le déplacement solidaire, sans peur ni plan castrateur, est le seul qui convienne. L'un vient de loin, l'autre l'attend dans sa ville. Puis les deux y vont ensemble, à l'aube. La route est claire, nous n'avons pas perdu la route. C'est une ville que nous ne connaissons pas. Une grande ville disent-ils, pour ce que ça veux dire. Un vieux port. Un quartier vivant. Un disquaire bien servi. Un café alternatif. Le percussionniste s'assoit à côté de nous. Nous ne le reconnaissons pas, parce qu'il n'y a rien de spécial à reconnaitre. Nous buvons des feuilles et du houblon pour essayer de se remettre en forme. Impossible de dormir, de faire une sieste. Les villes ne sont pas construites pour cela. L'heure avance. C'est la bonne heure, en un mot, le bonheur. Un concert en hommage au Diamant Fou. Ils sont deux, ils auraient voulu être plus, mais ça n'a pas pu se faire. Le projet est un peu bancal dès le départ, il n'ont pas eu le temps de bien apprendre les chansons, d'autant qu'elles sont particulièrement dures à mémoriser. Il était un peu fou, comme compositeur celui là. Une partition est nécessaire, pour servir de souffleur. Seulement le pupitre n'est pas arrivé. Ça tarde à commencer. Le monsieur aux longs cheveux s'excuse milles fois, il est honteux. Mais les chansons sont jolies, en duo acoustique électrique. Les Dominos qui tombent dans les oreilles, pour les échauffer. Emily qui nous apprend à l'observer, à ressentir son aura de jeu. Un Globe Obscur, souvent joué par l'ami du Diamant, nous habitue à être bercé. Alors qu'Arnold gambade, nous prenons la porte, pour remonter la rue et rejoindre la grande salle, l'Espace Édénique.


Prologue



Du monde fume devant. Les portes sont ouvertes alors nous rentrons. Les vigiles sont là pour la farce, ils ne remarquent pas le couteau rouge à croix blanche, ou la flasque métallique. Un panneaux rappelle l'interdiction d'introduire caméra, magnétophone, appareils photos, toutes sortes d'engins moderno has-been. Et les stylos, les stylos sont interdits. Heureusement, ce n'est pas (encore) le cas des yeux oreilles neurones ... L'accès au bar semble compliqué. Il y a eu un problème de fût. Nous nous rabattons sur les toilettes et leurs beaux robinets en verres à eau glaciale. Nous achetons deux galettes sonores, puis confions nos baluchons aux gardiens de baluchons. Nous avançons dans l'espace d'écoute, encore à moitié rempli. Au devant. Près de la ligne de frontières séparant acteurs et spectateurs, mais spectateurs pas si passifs et aliénés que ca. Assis. Les seul assis au milieu de ces statues de Pâques. On voit les pieds, les fesses. C'est drôle. La période d'attente, qui précède un miracle annoncé, possède une saveur que tout autre forme d'inaction ne parvient pas à faire ressentir. Autour de nous, ça s'assoit aussi. Quand on se relève, la salle est pleine. Collés, serrés. Des lustres au plafond, des coussins d'argents pour protéger les voisins. Le Parthénon en plus intime. Le magistral Colin s'avance sur la scène. Il est seul, mais bien équipé. Une armada de cuivres dorés à ses mains, Zéphyr dans les poumons. Premier souffle. Un troupeau de mammouth. Un énorme tremblement de l'espace. Saxo Drone. Des sons jusqu'alors inconnus font vibrer toute la matière environnante. D'un coup, le rythme s'accélère et nous assistons à une véritable avalanche digne des cataclysmes préhistoriques. C'est une célébration de l'âge de cuivre. Il y a aussi des baleines, ou leurs ancêtres de tailles supérieures. Des dahuts, des gnous. Comme l'Éclair de Providence, mais en Jazz. On entend sa respiration, son vortex d'aspiration. Il chante, en même temps qu'il souffle, en même temps qu'il tape, en même temps qu'il nous envoute. Innommable profondeur, rage primaire de monstre antique, parfait pour accompagner Lovecraft. Ou de la dubstep pour les allergiques aux beats insupportables. De l'electro ambiant pour ceux qui ne supporte pas l'électronique. Il est un peu ventriloque aussi. Ou bœuf qui beugle, grenouille géante qui croasse. Comme dans les plus belles fables musicales. Le public est totalement conquis par cette fête tribale. Nous applaudissons. Nous remercions. Nous ne cherchons pas à aller boire, à aller uriner ou prévenir notre grand mère que nous ne  mangerons pas ce soir à la maison. Ça se rapproche. Ça se colle. Voilà, les ampoules s'éteignent, il fait tout noir. Plus de lumière, plus de rêve, plus rien


Récit



Une nappe sonore gronde en fond d'oreille. Sur le fond de la pupille, le mot Espoir, écrit à la main, projeté en 16mm, s'agite en blanc. Un à un ils apparaissent, sous nos clameurs et le ronronnement des camarades. 8 sur scène. Habillés pour une bouffe entre amis. Le projectionniste, à l'arrière, comme chef d'orchestre visuel. Moya. Lettres mortes de testaments muets, rues désertes d'utopies abandonnées, rails d'enterrements, incinération de violon, visage inerte. Puis guitare qui traverse l'allée, comme les poussières d'un western. Chaque note semble être séparé par un immense néant. Et pourtant chacune d'elles s'entremêlent, s'additionnent, se reproduisent avec aisance. 10 minutes, c'est si court pour une chanson, pour une vision, une vie. Albanian. Ça se corse. Violent et inoffensif, sans aucune nuisance. Mais violent, plus violent que le cauchemar d'œdipe. Des rives brumeuses défilent, frappées par des éclairs. Des strates qui se superposent au fil de l'éternité pour donner naissance à d'amples montagnes. De plus, cette epopée là n'est pas encore gravée sur galette. C'est un territoire presque inconnu. A un moment il y a comme un retournement, on pénètre à l'intérieur du tsunami diluvien plutôt que de se voir noyé par celui ci. Flottement divin. Trace des des cratères. Monheim. Plage dépeuplée. Grande roue vide et immobile. Lieux de loisirs en faillite. Souvenirs ternes. Solution d'apparence opaque, formé d'un amalgame de mélancolie et de nostalgie, qui sous l'effet d'une lente infusion, se transforme en magnifiques arabesques aériennes. Ou comment à partir de larme on construit un radeau volantPolice du monde et tir ami. Perdus parmi les flammes, les usines, les volutes de fumée. Bataille de cordes, de peaux de tambours. Des torches apparaissent et disparaissent. Des émotions oubliées refont surface. Les cloches du xylophone raisonnent plus fortement encore que le réveil du matin. Toujours, au bout d'un moment, sans que l'on s'en aperçoive, on est mené au loin, à l'intérieur et à l'extérieur de soi. Le monde en feu. Un simple constant, sans doute. Elle rêvait qu'elle était un bulldozer, elle rêvait qu'elle était toute seule sur un terrain vague. Le ciel bleu et ses nuages blancs. L'océan et l'horizon qui lie les deux. D'abord de petites respirations, des balbutiements ridiculement naïfs. Des vagues éphémères destinées à s'effacer. Puis le surgissement de la vie, soudainement, cet instant là résume tout nos sauts de joie en quelques flèches qui se dissipent à la vitesse de la lumière. Une abeille sur une fleur. Une goutte de rosée sur une feuille. Des bruissement d'arbres. Le difficile retour au bonheur, après la folle agitation, réussir à récupérer cette euphorie en toute sérénité. Plusieurs illuminées lèvent leurs poings comme des antennes vers le paradis. Longues images contrastant avec les anciens clignotements. Continuité quantique comme symbole du vivant. Affirmation de l'existence de la lumière par la possibilité de rêver lorsque tout est mort noir obscur, et démonstration de ce cogito par images oniriques projetés sur abîme. Chutes de roquettes sur chutes de roquettes. Une décharge sur le bord de la route. Les camions passent, les ordures restent. Des machines l'agrandissent, le remuent, l'arrose de débris frais. Alors la rage monte. L'envie d'insurrection interne, de réappropriation du réel. Chants de cordes distordus, cordes vocales écartelées sur un manche. C'est recyclé. L'H le recycle, au fil de l'eau, en fait de nouveaux fléaux. Toutes nos consciences en perçoivent le reflet, et ce qui se trouve à l'origine de ce mensonge. Ruines de bâtiments, de civilisations, d'univers. Bien évidement, cela est très bruyant. Le désordre augmente. Il y a cent ans, on aurait pas été capable de créer, de comprendre une telle musique si dissonante et harmonieuse. Il y a cent ans, nous n'en étions pas encore à coloniser les cygnes ou les pélicans. C'est une musique en accord totale avec son temps, avec la croissance inéluctable de l'entropie, avec l'augmentation de la puissance dispersée et disponible. Si elle évoque l'apocalypse, c'est que notre époque elle même en est un prélude fictif. Ce n'est pas une musique qui va chercher autre chose, à la recherche d'une n-ième transcendance soumise au joug de l'imaginaire. Juste ce qu'il y a là, de l'immanent, de la vie rassemblée dans une salle, un soir d'hiver, pour se réchauffer le cœur, les orteils et la pliures des sourcils. Dead Metheny. Des plans de mégalopoles. Le train passe. Il avance à grande vitesse, suivant le chemin tracé par les rails. Des paysages en couleurs se succèdent des deux côtés du cadre oculaire. Nous observons avec envie ses fragments de voyages, de libertés. Ça monte. Incroyablement intense. Sommet trans-everest. Ne sais ne sais ne sais plus. Sommes où nous où sommes nous. Où ? Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Je me rappelle. Je suis, je suis, ca veut dire quoi je suis ? J'existe, alors c'est ça, j'existe, je sens ressens part reviens souviens et deviens, vis vivais et vivrai, alors c'est ça, la métaphysique omnipotente, la seule et unique vie, la seule et unique chose qui me suit, poursuit assidument, cette abstraction concrète, ce concept bancal qui se prolonge se multiplie se climatise et se bourgeonne. Oh, je sais, j'allais oublier, de la musique, que font-ils ? Qui sont-ils ? Ce ne sont personne, et ils ne font rien. Ni musique, ni musiciens, ni spectateurs. Car ni codes, contraintes, entraves, enclaves, séparations, frontières. Dépassements, débordements, beaumissures. A la fois ensemble et distincts, bruyants et discrets. Nous sommes ondes et particules, youpi youpi tra-la-la. Je voudrais sauter très haut mais je n'en ai pas besoin, je voudrais mourir milles fois mais c'est déjà fait. Mise en commun de nos solitudes exacerbées, de nos désespoirs lancinants, de nos êtres bien plus qu'immortels, afin de déployer une prodigieuse énergie. Si dé si dé si dé mis en orbite lunaire Neptune voie lactée galaxie sidérale sidérée, ça nous a sidéré. BBF3. Il y a une suite, c'est ce qui est bien avec le bonheur, c'est qu'il y a une suite. Souvent elle n'apparait pas, on la devine par une formule tel qu'ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Mais là elle est devant nous. Simple et efficace. Une alarme rouge qui crie. Des écrans spécialistes de l'aliénation. Des H qui se révoltent, après s'être épanouit, une fois leurs batteries chargées à blocs. Une procession de notes qui revient, éternel retour, se répète, mais pas pour signifier une absence de renouvellement, mais parce que tout est dit, du Big Bang fondateur à la fin du monde finale, en passant par l'éternité. Nous n'avons plus de jambes, plus de gorges, plus d'organes, de peur ou de rancœur, de regrets et de peine. Dernière vibration, celle d'un cercueil qui se brise. ESPOIR. Nous tapons de nos mandibules carboneuses. Pur réflexe. En réaction à la fin.  
N N A E.




Epilogue

Une dame tapote son clavier, elle écrit, froid long et chiant, soif mal partout et fatigué, mauvais. Un monsieur raconte à un autre monsieur, derrière c'était beaucoup mieux que devant, devant le son était naze. C'était pas possible d'apprécier quoique ce soit devant. Ils jouaient beaucoup trop fort en plus. Ah bon ? Moi j'ai trouvé qu'ils ne jouaient pas assez fort. Y'avait une fille à côté de moi qui chantait comme une casserole, et la musique ne cachait pas sa voix. Horrible. Putain, moi je suis sorti en pensant que c'était presque fini, et en fait ils ont joué pendant au moins une heure après ! Comment ca se fait qu'ils n'aient pas dit un mot, ils se prennent pour qui ? On fait l'effort de payer un paquet de tune pour les voir, et même pas ils nous disent bonjour. C'est un manque de respect. Trop cool. Je vais aller faire dédicacer mes CDs. Il y a une pochette alternative de leur premier vinyle, je l'avais pas alors j'ai pris. Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau. Entendu tu veux dire. Oui oui, c'est ca. Comment tu dis que ça s'appelle déjà ? C'est sympa en tous cas. Spécial quand même. Dommage qu'il n'y ait pas de chanteur. Elle avait les oreilles qui sifflaient. Au début c'est drôle, mais après c'est toujours pareil. Alors les jeunes, c'est quoi que vous êtes allé voir ? C'est quoi ce truc ringard ?! Du post Rock ? Non ? Mais c'est quoi alors ? Vous savez qui sont les rois du punk rock ? Les vrais rois ? Les Clash, ça c'est la classe. Votre truc là, c'est des ramollos du zizi. Vous êtes tous endormis les jeunes. Réveillez vous ! Faut tout faire péter ! De mon temps, on était fou, on hésitait pas ! Vive l'insurrection ! Bon allez, vais me coucher. Bonne nuit les jeunes. Il est bien ton vinyle. Le mien aussi il est bien Par contre, l'affiche et le tee-shirt, bof bof. Une gorg' de 'sky ? Pas si froid que ça. Ils rentrent le matos. Ils commencent à se faire vieux tout de même. Regarde, celui là a des cheveux blancs. Je l'avais pas reconnu, avec Silver Zion, il a une autre dégaine. Ça en fait des caissons d'amplis. J'espère qu'ils vont continuer. Enregistrer un nouvel opus. Oui, ca serait bien. C'est con que mon pote n'ait pas pus venir. Il avait la flemme. Dommage. Bon, on se bouge ? Bon voyage camarade. On va marcher, manger un kebab, marcher encore, trouver un hall d'immeuble pour passer la nuit, et demain matin on s'remet sur le bord de la route, pour arriver avant midi chez mes vieux. Allez. La vie continue.

18 janvier 2011

After musical

D'abord le luthiste doit accorder sa guitare sur la fréquence du pianiste. Puis le crétin à la machine à écrire, doit la mettre en sourdine, en utilisant un stylo. Après, cela commence. Les glissements de guitare me font penser à la musique de Homme Mort,  par le canadien fabuleux. J'ai entendu la musique hier, au casque. Je ne la reconnais pas. Ça s'appelle Cerisier Cerisier, en japonais.
Oh, ils changent. Ils s'en font une en Fa. C'est une note dans le trou, sur le manche de la gratte. Le guitariste n'aime pas les notes dans les trous. Plus joyeuse que la précédente. Il y a de belles répétitions, agréables lorsqu'elles viennent s'échouer au creux de l'oreille. Du swing surgit de temps à autre. Le Moooooooog rentre dans la danse. Il crie comme un gros champignon. Sans s'en apercevoir, ils ont repris Satisfaction des Pierres Roulantes. Les mêmes mots lancinants. Alors ils dévient, prennent la fuite. Je serais tenté d'aller moi aussi appuyer sur des touches blanches et noires. Mais ce soir, je reste sage, caché derrière ma plume silencieuse. Ils parviennent à revenir à la chorégraphie qui a précédé la douteuse reprise. Le piano est d'abord fluide, puis se change en martèlement, à contre faux temps.
Inversion d'instrument. De l'avantage d'être polygame. On veut du Fa profond, en trois temps, court et répété, 3 notes de basses. Difficile de garder le rythme, fatigué, les doigts clopinants. Finalement ça sera plus de trois notes. La cascade sonore vient ainsi plus facilement. Symphonie lancée. Quelques turbulences. Passage par toute les cordes en un mouvement de poignet. Une chose apparaît, elle disparaît. Talent fugace. Grand bâillement. Ils jouent avec un temps de décalage, en canon. Le guitariste dessine un Mi en boucle, derrière le pianiste construit. Après le guitariste s'évade, se libère des chaînes. A coup d'averses mélodiques. Mais le guitariste est épuisé. Pause.
Fin.

17 janvier 2011

Jazz in Paris #1




Les lumières s'éteignent. Le public se tait. Nous ne sommes pas beaucoup. Assez pour pouvoir dire que le trio qui va jouer a du talent. Pas trop pour pouvoir assurer l'intimité et la proximité propres au Jazz. Le groupe arrive. Le pianiste commence à nous parler, histoire de présenter le groupe. C'est un suisse allemand au nom italien : Rusconi. Il a beaucoup d'humour (en plus de son talent). Et puis c'est parti.
Dès les premières notes, mes poils s'hérissent et mes oreilles crépitent. Un piano, une contrebasse, une batterie et surtout de l'électronique disséminé par-ci par-là. Tels sont les ingrédients pour un jazz psychédélique encore jamais entendu à ce jour (si ce n'est peut-être avec E.S.T.). Le contrebassiste semble en transe permanente, suant comme un damné et pinçant frénétiquement ses cordes sur sa grande arche en bois. Le batteur nous pond des rythmes mêlant rock et jazz. Ses solos font l'unanimité dans la salle. De la puissance, de l'énergie, ça sonne, ça claque, ça ne s'arrête jamais. Les cymbales résonnent, vibrent. Grandiose. Le pianiste aussi est fou. Il nous fait hurler le temps d'un morceau. Il place des petites cuillères en plastique (quand ce n'est pas des pinces à linge) entre les cordes. Le son devient métallisé, robotique. Tout simplement génial. Tout cela mis ensemble donne lieu à un concert unique en son genre. On se laisse guider par leurs folles sonorités sans aucun problème. C'est limpide, lisse, fluide. 
A la fin, tout le monde transpire. Eux de sueur, nous d'exaltation. On le sent dans la pluie d'applaudissements qui clôture le concert. Je suis tellement emballé que j'achète leur CD sans me poser de question. Je sais que ce qu'il y a sur ce petit bout de plastique n'est absolument rien comparé à ce qu'ils font en live, mais c'est déjà ça.

14 janvier 2011

Introduction métallique

            Elle se tient devant nous, grondante, menaçante, pas forcément accueillante. Quand il l'entend, celui qui ne la connaît pas tient rarement à se frotter à la bête. Elle intimide, elle effraie. On ne la connait pas bien dans nos contrées.  Et pourtant, si seulement vous la connaissiez... car cette bête, bien que peu fréquentée par le commun des mortels et même redoutée par certains, peut présenter un intérêt, au point même de susciter des passions et des vocations. Et cette bête, j'ai nommé le metal, peut devenir un vrai animal de compagnie quand on l'a apprivoisée. Ca n'est alors plus que plaisir. Mais là est le problème: comment peut-on apprivoiser un tel genre musical ? Je vais modestement essayer de vous introduire auprès du genre.
            Rude tâche en effet que la mienne, car ce genre musical tant décrié n'est pas gardé loin des foules pour rien : il en repousse beaucoup. Et c'est en effet un des problèmes du metal. Si l'on n'ose pas non seulement faire le premier pas, mais également persévérer dans une optique de compréhension, on perd facilement le peu d'intérêt qu'on peut lui porter au premier abord. Mais une fois apprivoisé, on peut vite se rendre compte de la richesse qu'il a à offrir. Et non, le metal n'est pas un vulgaire sous-genre réservé aux malades mentaux, aux brûleurs d'églises Norvégiens ou aux adolescents suicidaires. C'est une genre musical d'un richesse effarante, sûrement un des plus pratiqués de nos jours. Il se présente sous une telle multitude d'aspects qu'il s'agit d'un sorte de "musique dans la musique". Et comme il s'agit de la chronique d'un genre musical à part entière, il sera difficile d'être exhaustif, ou encore de lui apposer des qualificatifs réalistes, au vu de ses multiples visages. Mais qu'importe, essayons. Attention cependant, cela risque de pencher vers l'académique voire même l'autoritaire. Mais c'est après tout la nature de tout guide qui se respecte.



            Souvent, quand on dit "metal", les gens pensent "violence, brutalité, débilité, musique pour adolescents suicidaires". Pourquoi cette perception? Tout simplement parce que ce genre traite surtout des sujets tabous dans les sociétés occidentales, de "grands" sujets comme la vie et la mort, la religion, la nature, et y associe des sentiments - peur, amour, rage... la liste est longue. Bien sûr cette perception est en partie erronée - les détracteurs du genre ne retiennent que certains points négatifs à leurs yeux, oubliant totalement l'aspect artistique, mais souvent avec une part de vérité. Cette vision est aussi renforcée par la forme musicale: riffs violents, son lourd,  symboles ésotériques et pratiques parfois limites. Bien que ce ne soit le plus souvent qu'une mise en scène. Du coup, le metal reste très marginal dans l'univers médiatique - citez moi une radio ou une chaîne de télé française passant du metal - mais populaire dans le monde réel.
            Et c'est là qu'il convient d'introduire une grosse "subtilité" (avec de gros guillemets) : le metal ce n'est pas seulement ça, le metal est une "musique dans la musique", car il est composé de presque autant de sous-genres qu'il y en a dans la musique en général, et donc d'autant d'univers. Un amateur de Black Metal sera souvent peu enthousiaste à l'idée d'écouter du Metal Symphonique ou du Speed Metal. Et tous les croisements sont permis (ou presque)! On trouve du Jazz Metal, du Rap Metal, du Metal Electro Progressif... on trouve même des mouvances opposées dans des mêmes genres, comme au sein du black metal avec l'opposition True black metal et Black metal symphonique. Et ce ne sont que des mouvances généralistes, tout est permis !
            "Mais", me direz-vous, "Alors qu'est-ce qui est si intéressant dans ce genre musical?". Je répondrais pour ma part que ses intérêts sont multiples. Tout d'abord, comme cela a déjà été écrit plus haut, le genre véhicule des sujets sensibles. Vous en avez pas marre vous, d'entendre toujours parler de ces putains d'histoires où un type arrive, se plaint sans cesse de ses échecs ou nous raconte sa vie dont on n'a strictement rien à foutre, ou bien ces pauvres histoires de cons qui préfèrent manger des pizzas devant la télé plutôt que d'aller voir des amis? Franchement on s'en bran*e, c'est pas leur nostalgie à deux francs six sous qui va nous faire verser des larmes. Des histoires comme ça, on les vit déjà dans la vraie vie, on en entend parler tous les jours dans ces foutus médias qui ne savent que s'intéresser aux artistes cotés en bourse (j'exagère à peine !). Rappelez-vous donc maintenant de vos cours de Français du lycée. Si si, je suis sûr que vous n'étiez pas encore totalement endormis quand la prof' (c'est toujours des femmes) vous a parlé de la théorie de la catharsis et de la mimesis. Vous savez, ces héros tragiques du théâtre classique qui s'entretuaient ou copulaient pour un rien, qui auraient vendu père et mère pour vous arracher une larme. Eh bien c'est bien là que le metal vous touche, il utilise la violence de ses propos et de sa forme pour vous mettre un bon coup de catharsis bien ajusté, en pleine gueule. Que ce soit par une mare de sang (Death metal), une atmosphère inquiétante (Black metal) ou par sa beauté (metal symphonique - enfin normalement ;-) ), il saura vous toucher, faire vibrer une corde sensible.
            Les amateurs du genre ne s'y trompent d'ailleurs pas, et beaucoup aiment à rester dans le confort de leurs styles/groupes préférés lorsqu'ils les ont trouvés, tout en tentant régulièrement de nouvelles expériences. Et ainsi quand des groupes jouant du metal choisissent de faire un grand saut en changeant d'univers, de nombreux fans restent fidèles au groupe, que ce changement soit interne au metal ou une évolution vers un style totalement différent - on peut prendre pour exemple le groupe Ulver, qui a commencé en pratiquant un Black metal parfois bien crasseux, puis qui a soudainement fait demi-tour pour embrasser l'électro, ou Anathema qui s'est orienté vers le pop-rock.
            Le metal est une grande famille qui ne demande qu'à conquérir de nouveaux cœurs, et à vous divertir et instruire d'une manière différente. Tentez donc l'expérience, et vous verrez que vous ne le regretterez pas si vous avez l'âme métallique!

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            Si maintenant vous voulez des conseils pour se lancer dans l'écoute du metal (car il est souvent préférable de s'y mettre en étant prévenu et aidé), voici une manière de procéder qui me semble assez efficace. Il pourra entre autres permettre de s'habituer aux growls et autres death grunts (vous savez, les chants caverneux qu'on entend chez certains groupes) - la partie la plus difficile à mon sens. C'est un peu le chemin qu'a suivi votre serviteur, mais j'y enlèverai ce qui ne m'a pas plu.

            Tout d'abord, on commence tout doucement. Des groupes assez connus, soft, du metal symphonique ou du speed, voire du heavy. Des groupes comme Nightwish, Sonata Arctica, Anathema, Tool, Yngwie Malmsteen, Stratovarius. Ca reste très facile d'accès la plupart du temps, et c'est facile à trouver.
            Puis on commence à attaquer des trucs plus metal, du death, doom, thrash. Pour introduire les growls doucement, on peut commencer par Entombed (c'est pas vraiment du growl donc ça tombe bien), Therion (<3), Metallica (que j'aime pas trop mais passons), Candlemass, Amorphis, Opeth, Apocalyptica pour la curiosité.
            On continue un peu moins soft ou accessible en introduisant le black, et avec Dimmu Borgir, Emperor, Children of Bodom, Cradle Of Filth, Wolves In The Throne Room, My Dying Bride, Ihsahn.
            Puis finalement vient le moment de se lancer dans les œuvres les plus difficiles à appréhender ou plus dures pour les novices (même si ça reste subjectif). Ulver, Darkthrone, Burzum, Tsjuder, Marduk peuvent faire partie du lot. Vous remarquerez (ou pas?) que les derniers groupes cités font tous du black metal, ceci sûrement parce qu'il s'agit d'un des genres les plus durs, mais le jeu en vaut la chandelle. J'ai aussi omis quelques groupes de death bien poisseux, mais c'est parce que je n'aime pas trop le genre. Quand vous aurez atteint ce stade, m'est avis que des conseils ne seront plus vraiment utiles. Mais n'oubliez pas qu'il est souvent bon d'attendre plusieurs mois avant de passer à l'étape suivante.

            Voilà, c'est la fin de cet article, et j'espère en avoir convaincu quelques-uns. Mais gardez à l'esprit que, comme tout genre musical, le metal ne peut pas plaire à tout le monde, ne soyez donc pas étonnés si vous faites partie de ces gens-là. J'espère malgré tout que ceux qui auront découvert le genre seront contents de cette trouvaille, comme je l'ai été auparavant. J'essayerai d'ailleurs dans la mesure du possible de faire des chroniques d'albums de metal - c'est beaucoup plus concret, facile et léger que de faire la chronique d'un genre entier, et puis on peut laisser parler ses émotions. Vous vous rendrez sûrement compte d'ailleurs que celle-ci n'est pas vraiment exhaustive, mais peu importe, à vous de le découvrir !


Morceaux choisis et genres (du plus "soft" au plus hardcore)
The 3rd And The Mortal     Doom/metal atmosphérique               Salva Me
Apocalyptica                        classique instrumental                     Cortège
Nightwish                             metal symphonique                         The Pharaoh Sails to Orion
Kyuss                                    Stoner metal                                   100°
Therion                                 metal symphonique                         Rise of Sodom and Gomorrah
Amorphis                              heavy/death/gothique                     Brother Moon
Candlemass                          doom metal                                       Embracing the Styx
Entombed                             death/blues metal                            Descent Into Inferno
Ihsahn                                   Black progressif                               Austere
Opeth                                    Black/Death prog                            In Mist She Was Standing
Ultra Vomit                           Grindcore                                       Pour Un Mosh
Dimmu Borgir                       Black symphonique                            The Promised Future Aeons
Ulver                                     Black metal (et electro)                    Hymn 6 - Wolf And Passion