28 mai 2010

Promenade intérieure



Balancement léger, bercement. Mouvement millénaire universel. Tendre mélopée, doux bruissement des feuilles agitées par la brise légère, atténuant la chaude caresse du soleil qui m’enveloppe, m’engourdit. Paupières closes, mes sens sont en éveil, à l’affut des sons, des senteurs. Chèvrefeuille envoutant et herbe fraichement coupée se mêlent. Bourdonnement ténu de la multitude des invisibles. Piaillements, trilles remontent parfois mon esprit des limbes vers la réalité. Le temps n’est pas à l’introspection mais à l’imaginaire. Je le laisse vagabonder, errer d’une idée à l’autre, dans les univers, le temps. Dérouler les images, écrire les scénarios, laisser l’inconscient faire remonter à la surface ses désirs, ses attentes, ses regrets. Les lieux, les couleurs, les personnages s’imposent comme une évidence parfois déroutante. La spirale se déroule doucement puis s’accélère. L’histoire se précise, réminiscences. Accepter ce que je suis, je m’oblige à ne pas couper. Je perds pieds, sombre, coule dans le flot irisé. Mon corps réagit, sort de sa torpeur inconsciente malgré ma volonté, se crispe. Distorsion, contorsion, gémissements. Personne. Je m’exhorte au courage, apaise ma respiration, tente de reprendre le fil. Le soleil me réchauffe toujours, le vent en adouci encore la brulure. Subtil mouvement pour reprendre le tangage, dodeliner doucement. Je repars délibérément dans les détours de ma mémoire, mon corps n’est plus, je l’abandonne, flotte entre les eaux multicolores de mon esprit, plonge dans les méandres de mon âme. Revoici la vision, cette fois, je me sens prête à affronter un de mes démons. Images, sons s’entremêlent, me chantent une autre réalité, me racontent l’histoire, me crient ce que je nie. Le fil se déroule furieusement, mon cœur se serre, le moment arrive, je tente
l’esquive mais le flot est plus fort et le voyage dans le temps continue. J’y suis. Un immense tourbillon, le film vomi encore et encore ses images insupportables. Mes oreilles bourdonnent, gorge nouée, dents crispées, je tente d’apaiser les tremBLEments qui m’agitent. Ma respiration, j’écoute mon souffle soulever ma poitrine, dérisoire effort de maîtrise. Les couleurs s’estompent, les images s’éloignent, je me sens flotter, m’élever, je me rapproche de la chaleur, elle m'engourdit doucement. Infime victoire sur mon âme dont je viens d’affronter un côté sombre, je sombre enfin dans le sommeil, épuisée mais sereine. Tout s’arrête. 

22 mai 2010

Parce que le Jazz...

Parce que le Jazz c'est pas réservé aux vieux.
       Parce que le Jazz c'est accessible à tous.
                                                                     Parce que le Jazz est un style comme un autre.
                                     Parce que le Jazz c'est bien plus que quatre lettres.
                       Parce que le Jazz c'est pas que pour l'"élite".
                                                       Parce que le Jazz c'est l'alliance parfaite de la maîtrise et du n'importe quoi.
                                            Parce que le Jazz ça fait aussi bien danser que rêver.
   Parce que le Jazz est à la musique ce que la démocratie est aux sociétés.
                                                      Parce que le Jazz, c'est de l'improvisation et donc du vrai.
              Parce que le Jazz est une orgie musicale géante.
                                                                                        Parce que le Jazz ça fait vibrer.
               Parce que le Jazz c'est l'union parfaite des musiciens.
                                                       Parce que le Jazz c'est l'occasion de mettre en valeur chaque interprète.
                                  Parce que le Jazz c'est le seul moyen aux batteurs de vraiment exister.
                    Parce que le Jazz c'est avant tout un état d'esprit.
                                                                                 Parce que le Jazz c'est un pour tous et tous pour un.

Parce que le Jazz c'est Miles Davis, Erroll Garner, Avishai Cohen, Art Blakey, Julien Brunetaud, Duke Ellington, Dave Brubeck, Louis Armstrong, Oscar Peterson, Thelonious Monk, McCoy Tyner, Buddy Rich, Wayne Shorter, John Scofield et tellement d'autres...

Parce que j'en ai marre d'être le seul à écouter du Jazz !!

19 mai 2010

Voyage dans un monde d'avenir 2

Il y a plein de type de musique. Celle qui passe à la radio, celle que votre voisin joue dans votre garage, celle qui passe à la belle salle du coin. Et puis il y a celle qui vient de loin, faites par des gens dont vous n'avez jamais entendu parler, mais qui font de la musique dans leur village perdu au fin fond de l'Iran. On connaît la musique traditionnelle française, ses accords de guitare derrière un peu de poésie. Ou bien les grands airs folk de l'Amérique, les envolés de violon des Irlandais. Et puis pourquoi pas celle des îles du pacifique sud ? Pourquoi quand un brésilien prend sa guitare pour jouer des tubes, cela aurait il le même son qu'un anglais  ? Quitte à écouter de la pop, pourquoi ne pas écouter de la pop thaïlandaise ? Il y a une infinité de manière de faire de la musique. Avant, on devait se contenter de celle du coin. Avec la mondialisation , maintenant on peut entendre les Barbies américaines en boucle. Mais si on est se donne un peu de mal, on peut aussi trouver les chansons d'une star indienne du sarod.
Cette démarche d'ouverture sur le monde, est la ligne de conduite de deux labels. Les bien nommés Nonsuch Explorer et Sublime Frequencies. Au fil des enregistrements sonores, on découvre un autre monde. De la musique auxquelles nos oreilles ne sont pas habitués. Des sons venus d'ailleurs, agencés d'une autre manière. C'est ce qui s'appelle voyager à la vitesse du son.

5 mai 2010

Voyage dans un monde d'avenir

Le monde de la radio est uniformisé. Terne. Monotone. Globalement similaire, sans fausse note. Il y a cependant des exceptions, des esprits libres savent se faire une place sur les ondes, afin de faire découvrir une autre musique, un autre monde, plus riche. La planète bleue, émission d'Yves Blanc sur Couleur 3 est un exemple de ces ilots d'espoir. Malheureusement, la portée des ondes modulées en fréquence est limitée. Alors pour que les musiques du  monde et du futur sélectionnée par le magicien Blanc soient audibles au delà des limites de la radio, il édite parfois une compilation de morceaux soigneusement choisis. Voici la cinquième, pour les oreilles, pour les rêveries.


Doux crépitements matinaux. Le soleil se lève lentement. On croirait entendre les cigales, mais aucune chance. Ici, il n'y a personne, pas d'animaux, pas d'homme. Pas même un oiseau n'a suivi mon navire dans son périple solitaire et long, si long. J'entends parfois chanter des sirènes. Peut-être est-ce la solitude qui me joue des tours, peut-être est-ce les poissons. Je regarde danser les nuages, j'observe leurs formes. Je m'étonne de reconnaître une carcasse de poulet, un guerrier ninja. Le soleil tape, tout disparaît...
Je suis en train de danser dans tous les sens. Une joyeuse voix se fait entendre. C'est un pygmée qui veut se faire entendre mais peine à imposer sa logique face à l'irrégularité du temps allant d'avant en arrière. Tout jazz dazz touzz lezz senzz.
Et soudain, on se fait catapulter en orbite. Une station spatiale, ornée du drapeau suédois. Elle a l'air vide, la rouille la gagne. Pourtant, on peut respirer, les boutons ouvrent des portes, dans un bruit métallique. On erre. Je suis seul, mais je sens en moi la présence de toute l'humanité, qui suit lentement ma progression sur d'innombrables petits écrans. On sait que derrière l'une de ces portes se trouvent les nouveaux venus. On les craint, mais moi je n'ai plus peur. Je pense au phare de mon enfance, aux mouettes, aux vagues. Et soudain, j'ouvre une porte. Les voilà, je les vois. Ils me regardent, on s'approche. Difficile de dire s'ils on l'air agressifs. Ils me ... Qui sait?
 Retour à la montagne. Ici il y a du monde, enfin, des animaux. Les marmottes me regardent au loin, les choucas me tournent autour. Un bouquetin se découpe sur une des dernières plaques de neige. Je me mets à courir, les bras tendus de chaque côté. Je suis sur un col, je vois l'humanité en bas à l'est comme à l'ouest. Je vois leurs machines user la vie. Un de leurs hélicoptères vient à moi. Je hurle en fermant les yeux.
Je les rouvre dans un tout autre décor. Je suis sur un matelas, pieds et poings liés. Tout est gris. Je ne peux rien faire. Et j'écoute cette musique, si étrangement décalée. Je ne suis pas mal à l'aise, juste perdu, atteignant le fond de la déconstruction de l'esprit. J'attends.
Et l'on me libère. Une fête étrange, des femmes asiatiques jouent tranquillement de la musique pendant que les hommes les écoutent, nettoyant le poisson. C'est hypnotique. minimaliste, répétitif, puissant. Je me laisse emporter dans une transe immobile, assis en tailleur parmi ce village qui ne semble pas me voir.
Lever du soleil depuis une prairie dominant la mer. Une très belle femme me côtoie. Elle me parle avec des grands gestes, m'explique ses pensées. Ses mains s'agitent, je ne l'écoute plus. J'ai compris. Alors je regarde le spectacle qui s'offre à moi, le soleil colorant de plus en plus les étendues marines de ce bel orange teinté de bleu du matin. Finalement, ça me suffit.
Je me lève et j'entre dans une maison métallique qui vient de surgir du sol. Elle est peuplée de robots qui dansent d'une façon invraisemblable. Leurs membres métalliques ne se déplacent pas d'un endroit à l'autre, ils occupent des positions discrètes changeant pourtant dans le temps. Je perds connaissance, je tombe.
Je me relève dans une fête de japonnais dansant, funkant, swingant dans une salle immense dont j'occupe le centre. Je les rejoint, c'est magique, mais ça se finit déjà.
Une femme noire me chante Casablanca dans un reggae dub rock exotique. C'est pop, mélodieux, électronico-agréable. Mais ça ne dure qu'un temps, et je change à nouveau de décor, dans un clignement d'yeux.
Le métal, la ferraille, l'usine. Marteaux, pas lourds. Soudain un oiseau marin passe. La machine se casse, on est au bord de la mer. Les vagues déferlent, la nuit monte. Devant un feu de camp, quelques fêtards chantent et dansent. Mais déjà je ne les entends plus. La mer est devenue seule présente. Un danseur passant devant moi titubant me ramène à la réalité. Fausse réalité. Les machines reviennent. Ma vision se brouille, je vois la longue usine vide, grise et bleue dans la nuit. Tous les néons s'illuminent. Les danseurs reviennent, et les vagues caressent les machines.
Tout change. Une voix prend toute la place. Elle danse seule dans un immense hall aux plafonds de verre, une grande serre au sol de béton. Sous ses pas, une musique apparaît par magie. De chœurs venus de nul part lui répondent. Elle danse, elle saute, les bras en l'air. Tout dure si longtemps. Mais ma vue se brouille et je suis transporté ailleurs...
En chine. Pour une lente montée en puissance dans des paroles dont le seul sens est la belle sonorité, dont l'unique signification est la musique.
Mais comme il faut bien se quitter, je continue mon périple, dans un petit village indien, où je me promène, observant les gens, sentant les odeurs, entendant les sons, voyant les odeurs, entendant les couleurs, humant  la musique. Douce sensation d'oubli d'une bande-son, bande image, bande odeur, bande tactile d'une réalité multisensorielle traversant mes oreilles. Une longue pluie d'été coulant doucement le long de mes jambes. C'est fini.

4 mai 2010

Opération à Coeur ouvert


 Fixons les choses. J'ai découvert In The Waiting Line il y a de cela exactement 991 jours. J'ai rencontré une personne juste un jour auparavant. Les deux étant exceptionnelles, il était logique de les associer dans mon esprit. Et depuis ce jour, elles ne l'ont pas quitté. Je me devais donc de découvrir le fameux CD qui contenait cette chanson si idyllique.
  Zero 7 est à l'Angleterre ce que Air est à la France. Deux londoniens, Henry Binns et Sam Hardaker, qui ont certaine notion de la mélodie qui me plait fortement. Après avoir mixé Climbing Up The Walls, de Radiohead, ils se sont lancé dans d'autres projets, plus aboutis, et Zero 7 sort son premier album, Simple Things. Alors autant le dire tout de suite (je ne ferai pas durer le suspens plus longtemps), cet album est un pur bijou. Je ne pensais pas qu'il était possible de faire un album entier (ou presque) aussi intense, fort, mélodieux, sublime que In The Waiting Line. Et pourtant, ils l'ont fait. Et je ne les remercierai jamais assez. Je me disais que ce serait juste un autre CD semblable à Moon Safari, mais c'est beaucoup plus que ça. C'est un concentré de mélodies, toutes aussi belles les unes que les autres. Prenons par exemple Destiny. Ça commence par des sons d'une rare beauté. Ça coule, ça glisse, ça émeut. Et puis les voix de Sia Furler et Sophie Barker arrivent. Et franchement, j'ai rarement entendu des femmes chanter comme ça. Elles me renversent le cœur avec une telle facilité, c'est déconcertant. Chaque mot prononcé, chaque son sorti de leurs gorges, chaque syllabe émise sont d'un charme.... Idem pour Spinning et la désormais célèbre In The Waiting Line, où cette fois seule Miss Barker est à l'œuvre.....pour mon plus grand bonheur. Car c'est bien elle (encore plus que Sia Furler) qui me transporte dans des contrés tellement féériques. Autant je déteste tout ce qui est à l'eau de rose, autant elle, je ne sais pas comment elle fait.... Pour In The Waiting Line, je comprends, c'est l'association à la personne citée précédemment qui me fait autant d'effet (en plus de cette voix sublime), mais pour Spinning, c'est tellement hypnotisant !! Tel un navigateur devant une sirène, je ne peux rien faire d'autre que me laisser emporter par cette voix dont les mots manquent pour caractériser sa beauté. Et puis je fonds, tout simplement. Pas en larmes mais presque. C'est tellement émouvant. Et même les instrumentales sont magnifiques : Red Dust, lente, mélancolique, qui acquiert au fur et à mesure une densité mélodique hors du commun; Likufanele, sorte de fin de rêve, où le mot "Likufanele" est répété encore et encore, de manière toujours plus saisissante, histoire de me laisser encore moins de chance de m'en sortir...
  J'aimerais faire une comparaison avec John Zorn, dont j'ai vanté maintes fois les albums et la maîtrise mélodique dont il fait preuve. Il y a ici une maîtrise équivalente c'est certain, mais l'effet n'est pas du tout le même. Zero 7 arrive à me rendre complètement gaga. Le fait d'avoir associé In The Waiting Line (et maintenant l'album entier) à cette fameuse personne n'y est certainement pas pour rien. Mais quand même, je viens de réaliser qu'il y avait plusieurs facettes de la mélodie (disons plutôt que je le savais déjà mais je viens d'en avoir la preuve !), toutes aussi poignantes les unes que les autres.
  Pour finir, si vous avez aimé Air, vous aimerez certainement Zero 7. Ils vont encore plus loin, encore plus haut. Et ça fait un de ces effets !