31 janvier 2010

Spectateur de bourgeon

Petit studio exigu où quatre jeunes gens se retrouvent pour jouer du Rock'n'Roll. Pas d'invention, d'innovation, juste du gros son. La liberté ne vient pas ici d'une quelconque créativité, elle nait de l'esprit rock lui-même. Le son des ballons dirigeables dans les cieux musicaux. Faire de la musique pour taper comme une brute, en suivant une recette près établie par des génies anglais, recette qui mène inévitablement à une passion exaltée, exaltante, excellente. Toucher délicatement des cordes de guitares, et les doigts deviennent tout puissant. Faire danser les grosses cordes le long des battements de peaux, et provoquer des battements de cœur.
Trois des musiciens font taper leurs pieds, l'autre se penche d'avant en arrière. Entre les chansons, ils rigolent, se réajustent gentiment. Ils sont concentrés, ils ne m'ont pas vu rentrer. Ou du moins ils ont mis du temps.
D'habitude je n'aime pas les gens qui portent le même prénom que moi. Mais là, ça me fait plaisir de savoir qu'un homonyme soulève des masses d'air en furies à l'aide de ses cordes vocales. Parfois les deux luthiers font de petites grimaces, mal au bout des doigts. Des paroles en l'air entre deux chansons : « pour jouer du rock il faut des cornes, c'est pour ça que c'est la musique du diable », « c'est chiant d'être debout ». Mais au final, dès les premiers accords ils se lèvent tous. Sauf le batteur, homme des cavernes à qui on a pas appris la politesse, mais seulement à taper. Apparemment avant de devenir alcoolique, une rockstar commence par boire de l'eau entre deux cris de gorge.
Le batteur reste seul, alors que les autres sont partis prendre l'air. Il fait tomber des bombes sur ses caissons. Il s'entraine pour la baleine blanche. Il ne peut jouer que rarement sur une vraie batterie, alors il en profite, la bouche ouverte. Je l'aide en donnant des coups de stylo sur les soleils dorés. Il préfère rester derrière ses rondins que d'aller pisser un coup, pas le temps.
La plus Rock'n'Roll a été gardé pour la fin. Le chanteur remet sa veste en cuir. Le guitariste me marche sur les pieds. Le bassiste met ses lunettes de soleil. Ils sont contents, entre les 11 murs de cette pièce à la forme étrange. Et moi je suis content d'être venu aussi. Le batteur chante, le chanteur fait de la guitare sur son trépied, les pieds du bassiste n'en finissent pas de taper, la guitare swingue. Ils se cherchent des excuses et le refont encore une fois. C'est reparti, la même. Mais ça marche encore. La musique, ça fonctionne, depuis le temps qu'on en fait, si c'était défectueux on aurait arrêté. Yeeeaheeaah Ouuuhouhhh Yeaaaah !

« La musique est une somme d'ondes sinusoïdales, une perturbation de l'air ambiant, que notre oreille perçoit comme des sons musicaux. Jouer comme ça, c'est une partouse, à plusieurs, une auto-flagellation de l'enveloppe charnelle pour apaiser l'esprit. C'est mélanger dans l'air ambiant l'essence de chaque personne »

30 janvier 2010

Brightblack Morning Light




Pour ne pas trop faire tâche dans cet océan de néo-psyché-hardcore-chambre-underground-électro-dark-FOLK, je vais me glisser tout en douceur et commencer par...Brightblack Morning Light. En effet, c'est à moi qu'incombe la tâche de décortiquer ce groupe puisque je suis subitement tombé sous son charme.
Alors déjà, une évidence s'impose dès l'écoute du deuxième, troisième morceau : soit on adore, soit on déteste. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est toujours pareil. A titre de comparaison, on pourrait les voir un peu comme les Jean-Pierre Jeunet du psyché-folk. Si vous prenez un film de monsieur Jeunet, vous pouvez être sur qu'il sera jaune. Et bien si vous prenez une chanson de Brightblack Morning Light, vous pouvez être sur que vous aurez une percussion lourde et entraînante (ponctuée de claquements de mains renforçant l'intimité de la chose), un clavier se contentant de quelques notes mais terriblement efficaces et une voix plaintive et enrobée de lumière. Tels sont les ingrédients principaux de Brightblack Morning Light. Vous rajoutez par dessus tout ça des bribes de flûtes, de saxophones et vous obtenez un album entier. Cette recette est surtout valable pour le premier album éponyme, leur second étant un poil plus diversifié. Dit comme ça, on pourrait croire que je n'aime pas. Et pourtant...
Ce groupe a un don pour créer des mini-riffs (jamais plus de 3 notes) d'une puissance mélodique assez incroyable. La première chanson, Everybody Daylight, en est l'exemple parfait : 3 notes qui, prisent séparément paraissent insignifiantes, mais une fois mises bout à bout deviennent une ligne mélodique extraordinaire. La seconde, Friend Of Time, met en avant la batterie et sa présence indispensable pour assurer la cohésion mélodique du groupe : ses entrées "cymbaliques" sont tout simplement magnifiques, telles un levé de soleil dans un immense pré vert (vous savez, le genre de scène que vous aimeriez bien passer en compagnie d'une jolie fille, tout deux allongés dans l'herbe). La troisième, Fry Bread, est l'illustration parfaite de ce que je disais plus haut. C'est une sorte de copie de Everybody Daylight, en plus courte.
Leur second album, comme je le disais est plus diversifié. L'introduction est certes courte, certes simple mais qu'est ce qu'elle est belle. En tout et pour tout 5 notes mais comme pour Everybody Daylight, elles sont d'une efficacité mélodique exceptionnelle. S'ensuit alors Hologram Buffalo, qui reprend la ligne de l'introduction et en fait une chanson. Tout simplement sublime. Je ne citerai sur cet album que Oppressions Each, qui a un coté montée en puissance, avec la présence de "cœurs" qui renforce la voix (toujours plaintive), telle une foule continuellement rejointe par d'autres personnes et devenant ainsi de plus en plus imposante.
Bref, écoutez la première chanson : si vous aimez, vous pouvez être sur que vous aimerez  Brightblack Morning Light. En revanche, si vous n'aimez pas, arrêtez vous là car vous n'aurez droit à aucun changement durant le reste de l'album. En tout cas, moi j'adore ! C'est exactement le genre de musique que je recherche (dans ce genre) : simple, sans fioritures et surtout d'une mélodie à tomber par terre.



NB : Vous aurez constaté que j'emploie souvent (peut être même trop) le terme "mélodie". C'est pour moi la clef essentielle de ce genre de musique. Il faut que ça prenne aux tripes, il faut que ça prenne le cœur et que ça le retourne dans tous les sens jusqu'à en avoir les larmes aux yeux, il faut que ça annihile la moindre once de raison en vous et que ça laisse place à l'émotion. Vous êtes donc avertis pour le(s) prochain(s) article(s).

Il y a 10 types de gens...

En terme de musique, on peut distinguer deux types de gens : ceux qui n'en font pas, et ceux qui en font. Les premiers s'attachent plus à ce que procure la musique, à ce qu'elle fait ressentir, à ce qu'elle représente tandis que les seconds seront plus dirigés vers la cohérence technique et le respect de certaines "règles académiques" (non monsieur on ne met pas dans un même groupe deux batteries, 17 violons et 4 guitares). Il ne faut cependant surtout pas séparer ces catégories, bien au contraire ! Les points de vues et approches sont totalement différents. C'est tout l'intérêt de ce blog ! Quant aux autres types de gens (il en existe sûrement), ils sont les bienvenues pour compléter et enrichir toutes ces analyses.

27 janvier 2010

Liliane et l'Odyssée

Plutôt que de chercher les mots à partir de la musique, essayons de faire l'inverse, histoire de changer un peu. Utilisons pour cela un texte de Liliane, illustre inconnue dont j'ai retrouvé des lettres au fond d'un placard poussiéreux de mon ancien appartement. Accompagné d'une jolie photo de bateau.


Seul à bord de son délire, il choisit de laisser l'humanité pour rejoindre les djinns. Lui aussi il jouera avec les pouvoirs de l'océan. Lui aussi il peindra à volonté l'espoir ou le noir sur une paroi vierge du cœur des hommes.

Soit. Voyons ce que l'on a :

_ Le texte est joli. Ce n'est pas non plus de la grande poésie, mais il y a de belles images quand même. Les mots coulent doucement. Il faut donc une musique agréable à écouter, saupoudrée de poésie et d'envolées oniriques.

_Un bateau, les djinns, l'océan. On a quelque chose d'aérien, qui voyage au gré des vents tout en s'appuyant sur une couche solide, la nappe bleue de l'océan. Essayons de se cantonner aux chansons dont le titre fais référence à l'Océan, au voyage sur les eaux.

_ Laisser l'humanité. Peu de manifestations humaines, la voix, les paroles ne sont pas très importantes ici. Seul le monde de la musique, de l'océan, et de l'émotion va nous guider.

_ Présence du futur ( jouera, peindra )donc d'un élan, d'une aspiration à un autre état. Généralement représenté en musique par une montée en puissance.

_L'espoir ou le noir. On aura donc tantôt de la joie, de l'espoir, des sentiments et d'autres fois des trucs plus moches, noir tristesses et désespoir. Un mélange, une alternance continue.

_Sur une paroi vierge du cœur. De l'émotion bon dieu, il nous faut de l'émotion ! Que ça nous fasse chavirer, que ça nous émeut. Des mélodies qui nous prennent aux tripes.






A priori je penserai pour une bonne vieille chanson de postrock-métal. Mêlant bleu clair et bleu foncé, flot calme et tempête agitée. Je pense tout de suite à l'album Oceanic, des immenses ISIS. Avec ses notes océaniques, ses guitares en bois indestructibles, ses cris en bourrasque. Un flot continu, qui change progressivement. Disons donc Weight, le single de l'album, 11 minutes et 48 secondes de pur bonheur. Mais l'album en entier constitue une bande sonore idéale. D'ailleurs, on va rajouter Maritime, douce ballade au gré des flots.


On peut rester dans le même genre, avec Mono, postrock japonais riche en manipulations de cœurs. Avec par exemple Gone, sur l'album du même nom. Belle chanson qui me donne des frissons, alors que le bateau s'enfuit vers l'horizon. Liant le bonheur du départ en mer ,à la tristesse d'un abandon de la terre. La montée en puissance à mesure que le navire disparaît dans le bleu est tout bonnement magnifique. Snifff ...
Ou alors, Burial at Sea, sur Hymn at the Immortal Wind. Peut-être pour un bateau qui avance à travers les vagues malgré les tempêtes. Le vent qui souffle et porte tout ça, loin loin loin jusqu'à l'origine des vagues.


 

Si on considère qu'il y a beaucoup de remous, et que la décision de rejoindre les djinns est très douloureuse, on peut se permettre d'utiliser March Of The Sea de Pelican. Certes, tourbillon et tsunami sont au programme, c'est un voyage un peu plus compliqué que les autres. Peut-être trop violent pour le texte qui lui est associé, mais ma foi, la chanson est jolie alors on s'en fout. Liliane n'avait qu'à être un peu plus brutale...


Changement de cap, avec de l'ambient électronique. Tim Hecker, et ses sons sortis des fluides martiens. Prenons deux chansons de son dernier album, An Imaginary Country. Sea of the Pulses, pour l'impulsion, l'appel des sirènes, le souffle du zéphyr qui entraine l'embarcation au milieu de l'immensité bleue. Et Borderlands, les confins du monde, le calme apaisant de l'eau, et le pont d'un navire sur une mer d'huile. Les voiles et les vagues ondulées.

 

Enfin, pour le côté simple de la poésie de notre charmante Liliane, le fait que je l'ai trouvé dans un placard, que ce n'est qu'une jolie carte postale parmi d'autres. Facing Out The Sea, de Nick Jessop . Un gentil monsieur totalement indépendant qui a composé des chansons pour l'anniversaire d'une jolie fille. Ça a donné To Sarah, et c'est plein de petites chansons simples et bancales, comme trouvé au fond d'un placard. ( le placard est ici)

Merci Liliane !

24 janvier 2010

Vaisselle du Dimanche



La cheminée est pleine de feu. La table est pleine de vaisselle. Le feu crépite, la chaine hi-fi ruisselle. Regardons ce qui se passe le long du robinet, Along The Quai. Observons le duo franco-américain, synthétiseur et batterie, de The Berg Sans Nipple.


C'est calme, l'évier se remplit doucement d'eau chaude. Les mains se mettent doucement en mouvement, pour faire la même chose qu'hier, les mêmes mouvements que demain. Mais après tout c'est agréable de tremper ses mains dans l'eau chaude. Lointaines sensations de chaleur. Douce voix d'un plongeur d'évier. C'est peut-être ça Berg Sans Nipple, des plongeurs en intérieur du dimanche. Quand l'eau rebondit sur les parois, s'engouffre dans les trous, il y a d'étranges bruits, sortis du fin fond de la mer sonore. Un monde de Ghost en mouvement entre ses deux oreilles. Les petites percussions aiguës rappellent les assiettes s'entrechoquant avec les fourchettes. Une Mystic Song où les petites cuillères tapotent sur les flûtes de champagne. La voix sortit d'un tuba de plongeur, la vue brouillée par les flots. Tous les sons semblent avoir traversé un Aquarium avant d'atteindre nos tympans. Échos entre les parois de l'évier, se répètent, accélèrent ou ralentissent suivant la densité du fluide en présence ( un peu de physique bon sang de bon soir). Petit à petit la pile d'assiettes grandit, on ressent une certaine fierté, un bonheur rassurant de l'acte accompli. Le plongeur ne parle pas tout le temps, de temps en temps il agite simplement les palmes ou se tait complètement. Il n'y a pas beaucoup à frotter les plats à gratin, aucune imperfection tenace. Tout s'envole au contact de l'eau savonneuse. Puis on voit les plaques de gratiné s'agiter dans l'évier. Juste là pour donner un peu de consistances, pour varier les plaisirs. Le titre éponyme constitue à mon humble avis le sommet de l'art du plongeon. Les mains s'agitent dans l'eau, les pieds tournent autour du robinet, de l'eau gicle un peu partout, mais on s'en fout. Magnifique cadence, et alternance entre rinçage à l'eau pur, et décrassage à l'éponge. À force cependant il y a toute une pile de vaisselle propre entassée, un petit bordel de Carnaval. L'eau déborde, s'étend petit à petit sur les environs de l'évier. Il ne reste plus qu'à ranger dans les placards, à s'éloigner du beau plan d'eau. Les mille ustensiles s'entrechoquent une dernière fois, Nonante-Trois fois pour être précis. Le lac de cuisine est vide, les placards sont pleins. Fin de la vaisselle. Mais il y a plein d'autres belles activités à faire en compagnie de The Berg Sans Nipple, comme la visite des greniers poussiéreux De la mort de l'amour, fouiller les caisses de jouets de Play the Immuable Truth . Alors amusez-vous bien...

4 janvier 2010

Messe Satanique


Radikal Satan - Viento Del Este, Agua Como Peste 



Ça commence par un bruit de fond, sur le quai de l'enfer. Un petit banjo timide, gratté par de fébriles mains de squelettes. Contrebasse d'outre-tombe, appelant les puissances infernales.  Tout en douceur, la clarinette, l'accordéon, la boite au rythme, la guitare, s'ajoutent à la horde satanique. Oui, c'est bien de Satan dont il s'agit. Il passe par ici le temps d'un album, le temps d'un tango. Laissant derrière lui d'étranges échos de claviers, de petites voix torturées, après avoir enlevé son masque. Le démon loge à Paris depuis quelques années, sous la forme des deux frères argentins, les biens nommés César et Momo Amarante, accompagnés de leur suite. Ils dansent tranquillement devant nos oreilles, funambule mortuaire. Avance, à l'aide de cris étranges, parfois dissonants parfois malicieusement harmoniques, pour mieux nous séduire. En témoigne l'intermède au milieu de la troisième vague, Se Incedian, où l'on commence à apercevoir les premiers rituels nécromantiques. On assiste aux ébats d'une messe noire, à la vague suivante, Xpress Bontempi Kerosene. Le squelette tape machinalement sur le clavier harmonique, un chœur en fond, et le prêtre peut réaliser ses sacrifices aux dieux de la nuit. Et alors, il n'y a plus grand monde, seulement quelques personnages d'anciennes histoires tristes, ici pour nous hanter. Le piano chaotique, excite la mort et ses partisans. Ils seront là avant midi. Et nous susurrerons de doux mots à l'oreille, une fois dans notre linceul. De tristes statues se prennent la main, et dansent à notre enterrement. Mais la danse est interrompue par une noire apparition, un cortège de cercueils qui défile. Nous sommes entrainés à sa suite, la mort vient seule et repars accompagner. Nous sommes déjà loin de l'ancien monde. À la périphérie de l'enfer. Nos tortionnaires poussent des hurlements de joies. On nous somme d'avancer encore plus loin. Ne reste que des cendres. Les shamans indiens qui trainaient par là s'empressent de les récupérer, et font une dernière danse à leur manière.