5 mai 2010

Voyage dans un monde d'avenir

Le monde de la radio est uniformisé. Terne. Monotone. Globalement similaire, sans fausse note. Il y a cependant des exceptions, des esprits libres savent se faire une place sur les ondes, afin de faire découvrir une autre musique, un autre monde, plus riche. La planète bleue, émission d'Yves Blanc sur Couleur 3 est un exemple de ces ilots d'espoir. Malheureusement, la portée des ondes modulées en fréquence est limitée. Alors pour que les musiques du  monde et du futur sélectionnée par le magicien Blanc soient audibles au delà des limites de la radio, il édite parfois une compilation de morceaux soigneusement choisis. Voici la cinquième, pour les oreilles, pour les rêveries.


Doux crépitements matinaux. Le soleil se lève lentement. On croirait entendre les cigales, mais aucune chance. Ici, il n'y a personne, pas d'animaux, pas d'homme. Pas même un oiseau n'a suivi mon navire dans son périple solitaire et long, si long. J'entends parfois chanter des sirènes. Peut-être est-ce la solitude qui me joue des tours, peut-être est-ce les poissons. Je regarde danser les nuages, j'observe leurs formes. Je m'étonne de reconnaître une carcasse de poulet, un guerrier ninja. Le soleil tape, tout disparaît...
Je suis en train de danser dans tous les sens. Une joyeuse voix se fait entendre. C'est un pygmée qui veut se faire entendre mais peine à imposer sa logique face à l'irrégularité du temps allant d'avant en arrière. Tout jazz dazz touzz lezz senzz.
Et soudain, on se fait catapulter en orbite. Une station spatiale, ornée du drapeau suédois. Elle a l'air vide, la rouille la gagne. Pourtant, on peut respirer, les boutons ouvrent des portes, dans un bruit métallique. On erre. Je suis seul, mais je sens en moi la présence de toute l'humanité, qui suit lentement ma progression sur d'innombrables petits écrans. On sait que derrière l'une de ces portes se trouvent les nouveaux venus. On les craint, mais moi je n'ai plus peur. Je pense au phare de mon enfance, aux mouettes, aux vagues. Et soudain, j'ouvre une porte. Les voilà, je les vois. Ils me regardent, on s'approche. Difficile de dire s'ils on l'air agressifs. Ils me ... Qui sait?
 Retour à la montagne. Ici il y a du monde, enfin, des animaux. Les marmottes me regardent au loin, les choucas me tournent autour. Un bouquetin se découpe sur une des dernières plaques de neige. Je me mets à courir, les bras tendus de chaque côté. Je suis sur un col, je vois l'humanité en bas à l'est comme à l'ouest. Je vois leurs machines user la vie. Un de leurs hélicoptères vient à moi. Je hurle en fermant les yeux.
Je les rouvre dans un tout autre décor. Je suis sur un matelas, pieds et poings liés. Tout est gris. Je ne peux rien faire. Et j'écoute cette musique, si étrangement décalée. Je ne suis pas mal à l'aise, juste perdu, atteignant le fond de la déconstruction de l'esprit. J'attends.
Et l'on me libère. Une fête étrange, des femmes asiatiques jouent tranquillement de la musique pendant que les hommes les écoutent, nettoyant le poisson. C'est hypnotique. minimaliste, répétitif, puissant. Je me laisse emporter dans une transe immobile, assis en tailleur parmi ce village qui ne semble pas me voir.
Lever du soleil depuis une prairie dominant la mer. Une très belle femme me côtoie. Elle me parle avec des grands gestes, m'explique ses pensées. Ses mains s'agitent, je ne l'écoute plus. J'ai compris. Alors je regarde le spectacle qui s'offre à moi, le soleil colorant de plus en plus les étendues marines de ce bel orange teinté de bleu du matin. Finalement, ça me suffit.
Je me lève et j'entre dans une maison métallique qui vient de surgir du sol. Elle est peuplée de robots qui dansent d'une façon invraisemblable. Leurs membres métalliques ne se déplacent pas d'un endroit à l'autre, ils occupent des positions discrètes changeant pourtant dans le temps. Je perds connaissance, je tombe.
Je me relève dans une fête de japonnais dansant, funkant, swingant dans une salle immense dont j'occupe le centre. Je les rejoint, c'est magique, mais ça se finit déjà.
Une femme noire me chante Casablanca dans un reggae dub rock exotique. C'est pop, mélodieux, électronico-agréable. Mais ça ne dure qu'un temps, et je change à nouveau de décor, dans un clignement d'yeux.
Le métal, la ferraille, l'usine. Marteaux, pas lourds. Soudain un oiseau marin passe. La machine se casse, on est au bord de la mer. Les vagues déferlent, la nuit monte. Devant un feu de camp, quelques fêtards chantent et dansent. Mais déjà je ne les entends plus. La mer est devenue seule présente. Un danseur passant devant moi titubant me ramène à la réalité. Fausse réalité. Les machines reviennent. Ma vision se brouille, je vois la longue usine vide, grise et bleue dans la nuit. Tous les néons s'illuminent. Les danseurs reviennent, et les vagues caressent les machines.
Tout change. Une voix prend toute la place. Elle danse seule dans un immense hall aux plafonds de verre, une grande serre au sol de béton. Sous ses pas, une musique apparaît par magie. De chœurs venus de nul part lui répondent. Elle danse, elle saute, les bras en l'air. Tout dure si longtemps. Mais ma vue se brouille et je suis transporté ailleurs...
En chine. Pour une lente montée en puissance dans des paroles dont le seul sens est la belle sonorité, dont l'unique signification est la musique.
Mais comme il faut bien se quitter, je continue mon périple, dans un petit village indien, où je me promène, observant les gens, sentant les odeurs, entendant les sons, voyant les odeurs, entendant les couleurs, humant  la musique. Douce sensation d'oubli d'une bande-son, bande image, bande odeur, bande tactile d'une réalité multisensorielle traversant mes oreilles. Une longue pluie d'été coulant doucement le long de mes jambes. C'est fini.

2 commentaires:

  1. Pauline.06 mai, 2010

    Mince alors, revenir d'un voyage et lire cet article et écouter ce tour du monde c'est grandiose, merci pour ce moment !

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  2. Poum Tchak28 mai, 2010

    Pas mal du tout ce voyage autour du monde !! Ça swing, ça plane, ça flotte, ça transporte...

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