26 décembre 2009

Evenements de Chambre




Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven

Troisième album de l'immense groupe de postrock canadien, le bien nommée Godspeed You Black Emperor!. Véritable coup porté à l'humanité ( ou presque), tout simplement magnifique. C'est le genre de CD que je sortirais fièrement de mon sac pour montrer à mes gamins, et dire : "regardez, votre père n'est peut-être plus dans le coup, mais à l'époque il savait... "
Mais ici on ne va pas s'intéresser à la postérité de la chose, puisqu'on la sait assurée. Vivons dans l'instant présent : il paraitrait ( de source bancale) que cette douce musique soit idéale pour séduire un(e) joli partenaire, qui se serait égaré (e), par un heureux hasard dans votre chambre.
Prenons le CD 2 de ce chef d'œuvre, s'apparentant plus à un double album symphonique qu'à un simple album rock. Prenons l'ordre inverse de la Track list. Ce qui nous donne tout d'abord Antennas to Heaven, et ensuite Sleep. Soit plus de 40 minutes d'extases.
Supposons un charmant jeune homme, qui à l'aide de fins stratagèmes a amené une jeune fille dans sa chambre. C'est la nuit, quelque chose comme 23h00. Les deux partenaires ont légèrement bu ( j'ai bien dit légèrement). Notre jeune homme a su conserver une aura de mystère tout au long de la soirée ( facteur important), ce qu'il n'a pas dit par ses propres mots va être magnifiquement dit par la musique. Les deux protagonistes rentrent donc dans la chambre, et sans paraitre y attacher une attention particulière, rapidement et discrètement, notre jeune homme ( appelons-le Charles pour plus de clarté ) met en route la musique, pour les beaux yeux de Julie. La musique dans nos oreilles, regardons ce qui se passe :


I. Passage au paradis : Antennas to Heaven
Tout se passe très vite. En 19 le minutes le monde change.


1. Moya Sings 'Baby-O'  00 à 1:00
Petite chanson calme de Folk . Toute douce. Julie ne se doute pas qu'elle assiste aux prémices d'une révolution sonore et sentimentale. Permets d'instaurer une légèreté dans le rapport Julie/Charles. Charles se permet de continuer une conversation banale


2. Edgyswingsetacid 1:00 à 1:58
Nappe sonore, plutôt aiguë, un peu dissonante. Julie se pose quelques questions, légèrement déstabilisée. Charles en a profité pour lui lancer un beau regard comme il sait si bien les faire.On commence à comprendre qu'on a affaire à quelque chose de sérieux.


3. Glockenspiel Duet Recorded on a Campsite In Rhinebeck, N.Y. 1:58 à 2:45
Bruit de pas, petites clochettes. C'est avant tout la joie, le bonheur, l'amour, dont il est question dans la situation présente.Charles fait comprendre à Julie qu'il agit sans mauvaises intentions aucunes, espérant seulement rendre Julie heureuse.


4. 'Attention...Mon Ami...Fa-Lala-Lala-La-La...' [55-St. Laurent] 2:45 à 4:03
Voix d'enfant. Légère, simple. Échos à toutes les rêveries enfantines, d'un monde meilleur, de prince et princesse. Quand on était enfant on chantait des petites chansons en sautant à la corde à sauter. Maintenant on fait autre chose, mais c'est toujours un jeu.


5. She Dreamt She Was a Bulldozer, She Dreamt She Was Alone in an Empty Field  4:03 à 13:46
Nouvelle nappe sonore. Le bonheur de l'enfance doit être transcendé. On va passer à des jeux pour grands maintenant. On sent que quelque chose va se passer. Charles et Julie s'interrogent mutuellement du regard. Et puis à 5:32, à cet instant précis où la musique, la chambre, prennent des dimensions supérieures à l'univers, moment de jouissance absolue, alors la musique embrasse la joie. Et Charles a tout intérêt à faire de même envers Julie.
C'est assez rapide, cela dure environ 50 secondes, puis nos deux protagonistes s'écartent, la musique retombe en battement de tambour. La musique comme le baiser ne peut soutenir un rythme effréné pendant longtemps.
6:20 À partir de là nous ne sommes plus dans le même monde. Que faire après cette jouissance du premier baiser, des premières envolées lyriques ? Des souffles, de petits hurlements lointains. Peur du vide, après s'être tant donné à l'autre. Peur d'un mensonge, d'une absence soudaine. Et puis c'est si fatigant de sauter sans cesse de joie, cela use les genoux. Le doute, peut-être que Charles n'aurait pas du ? Peut-être que Julie le méprise et s'est jouée de lui ? Il regarde juste ses yeux tentant d'y trouver une réponse.
10:10 La réponse arrive, les tambours viennent à la rescousse. Les cœurs battent de nouveau en rythme, ensemble. La batterie se veut rassurante, affirmant le désir de construire quelque chose de grand, d'aller de l'avant. Des petites accélérations, la guitare reprend de plus belle, tout s'enchaine, les bras les lèvres les jambes les cœurs les mains les yeux s'entremêlent. Les habits s'envolent.
11:55 Une nouvelle étape à franchir. Sans habit il fait froid, on a plus de carapaces pour se protéger du monde extérieur. Mais il faut pourtant garder les bras levés vers le paradis, vers Julie. Garder cette jouissance, malgré l'absence de tintamarre de guitare, de tambours.


6. Deathkamp Drone 13:46 à 16:55
Les deux corps se rapprochent, se réchauffent. La musique est calme, mais sous-entend qu'il se passe quelque chose d'agité ici bas. Nappes de plaisirs se rajoutent, éclats soudains. État contemplatif, ô comme les oreilles de Julie sont belles, comme elles sont utiles à la beauté du monde. On croit entendre des voix chuchotantes de plaisir, ces voix sont lointaines, songe d'une autre galaxie, d'un septième ciel.


7. Antennas to Heaven... 16:55 à 18:57
Derniers coups portés à l'univers. Notes de jouissance qui avancent mollement puis résonnent en cri de plaisirs. Il y a de quoi être heureux, on a les moyens. Les cœurs tremblent encore.


II Retombée sur terre : Sleep
On avait affaire à un éclair musical dans notre première partie, ici nous parlerons plutôt d'éternité. Nous envisagerons ainsi les rapports Charles/Julie dans leurs longueurs, prolongements quotidiens qui s'étendent au fil des années.


1. Murray Ostril: '...They Don't Sleep Anymore on the Beach...' 00 à 1:10
Discours nostalgique et pessimiste. Il y avait un temps ou tout était simple, où l'on pouvait dormir sur la plage, où Charles prenait la main de Julie et tout aller bien. Mais c'est si loin, si vieux.



2. Monheim 1:10 à 13:24
Maintenant c'est si compliqué. Chaque jour et chaque note sont les mêmes, ils s'évanouissent sans laisser de trace. Le temps passe et il ne se passe plus rien. Les choses se tassent, on s'ennuie.
4:28 Pourtant, on devrait pouvoir être heureux, on devrait pouvoir arriver quelque part où les oiseaux chantent un peu. En faisant des petits efforts les cœurs recommencent à battre faiblement. Mais la tristesse, le chant plaintif de Charles et Julie, fatigués, reprennent parfois le dessus. On ne peut plus dormir, sur la plage, ne plus dormir est si fatigant.
6:46 Julie aime bien dormir dans les bras de Charles. Charles aime bien reposer ses mains entre les cheveux de Julie.
 7:49 Se rouler dans l'herbe, ou même attendre à deux au milieu d'un embouteillage. Moment d'intimité.  Être à deux pour lutter contre la vie et ses problèmes quotidiens, s'entraider, se reposer sur les épaules de l'autre.
9:23 Julie et Charles pleurent, de joie. Ils courent les yeux fermés dans un champ, montent la colline. Il y a les barbelés au loin devant, mais Julie et Charles courent mains dans la mains, Julie trébuche sur une motte de terre, Charles la relève, ils continuent de courir. Il y a un gigantesque arc-en-ciel recouvrant tout. Il y a des oiseaux et des lèvres qui chantent. Il y a deux êtres qui tiennent bon en se souriant.
Mais courir dans un champ ce n'est pas ce qui permet de fonder une famille...
3.Broken Windows, Locks of Love Pt. III. 13:24 à 23:17
Faire des économies, procéder méthodiquement. Et acheter une maison au milieu de ce champ. Surveiller sa santé, être responsable, contrôler ses excès.
16:11 Julie est enceinte. La maison est prête. Les 39 secondes et 9 mois passent.
16:50 .Julie pousse pousse, c'est dur. Charles l'encourage, il lui serre la main tant qu'il le peut. On aperçoit les premiers morceaux de bébé.
18:00 Le voilà dans les bras de Julie. Bercé tranquillement alors que Charles lui fait des chatouilles.
18:20 Il fait ses premiers pas. Charles et Julie le regardent grandir, assis dans leurs chaises longues au milieu du jardin. C'est un gentil garnement, il fait des bêtises d'enfant, mais ce n'est jamais bien grave. Maintenant il parle, il cri, il ri. Il a un grand sourire, comme ses deux parents. Déjà l'école, le collège.
21:00 Charles et Julie se réveillent tendrement un matin, et Arthur n'est plus là. Il a son propre studio, en ville. Il y a quelques minutes s'il était encore dans le berceau et le voilà au volant d'une voiture. Une Peugeot 206 d'occasion. Le voilà de sortie. Le voilà qui croise une jolie fille, les deux s'échangent de longs regards. La jeune fille a froid. Arthur lui propose de se réchauffer dans sa demeure. Ils montent tranquillement les escaliers,  la porte, la chambre. Arthur appuie sur le bouton Play . Dans la chaine le CD Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven de Godspeed You Black Emperor!. Et après Sleep vient Antennas To heaven. Et c'est reparti.

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