24 décembre 2009

Noise Floral


Surf Solar
    


Fuck Buttons est un duo anglais formé à Bristol, début 2004, par Andrew Hung et Benjamin John Power. Leur musique est généralement qualifiée d'expérimental drone noise. Surf Solar est leur deuxième album, sorti en octobre 2009. Non pas qu'il soit plus intéressant que le premier, Street Horrrsing sorti un an avant. Je préfère même le premier album. Mais il n'y avait que le deuxième en libre-service à la Fnac. Parce que oui, Fuck Buttons est à la Fnac, car c'est un groupe largement reconnu et écouté. Célébré par les revus musicales, présent en de nombreux festivals à travers le monde, etc. Le terme de drone noise, désigne une musique essentiellement constituée de longues nappes sonores, plus ou moins harmoniques et répétitives, qui visent à produire un effet sur l'auditeur ainsi qu'a expérimenté les possibilités sonores de tel dispositifs. C'est un style de musique assez difficile d'accès, et apprécié par bien peu ( pas assez). On peut donc se demander quels sont les particularités de la musique Fuck Buttons'ienne qui lui permettent, malgré ses caractéristiques expérimentales, d'être largement diffusée. Pour cela, nous introduirons un nouveau terme musical, nous parlerons ainsi de "Noise Florale" et chercherons à montrer en quoi ce terme est approprié pour désigner cette musique. On se permettra une analyse que je qualifie tout à fait arbitrairement de Bachelard'ienne, c'est à dire en utilisant des liens douteux, des rêveries bancales, pour comparer la fleur, le champ à cette musique. On étudiera d'abord les propriétés de chaque notes, puis les structures qui les mettent les unes à la suite des autres, et enfin l'effet floral qui se dégage de tout ca. Puis en même temps on peut écouter aussi ( voir en bas ).


I. Des notes telles des fleurs
L'album s'ouvre sur le titre éponyme, Surf Solar qui constitue aussi le single. L'entrée en matière est douce, ce ne sont pas des sons qui heurtent aussitôt les oreilles de l'auditeur. Des sons agréables, essentiellement aigus, contrairement au drone noise habituelle, composée de son grave et lourd. Le choix de ces sons démontre le caractère jovial, joyeux, de ces compositions. Et puis dans un champ, il y a plus souvent de petits cris d'oiseaux, de cigale, que de gros bruits lourds de tracteurs.
Certains de ces sons sont longs, et se prolongent sur quelques secondes. Telle la fleur, les notes ne sont pas seulement présentes en un point temporel et spatial, mais s'élèvent grâce à leurs solides tiges jusqu'au ciel. Très présents dans Rough Steez, les sons tribaux rappellent que la fleur est avant tout enracinée dans la terre. Le son est organique, brut. Il n'y a pas de voix, parce que les fleurs n'ont pas de cordes vocales. On ne ressent pas la présence de l'homme.
Enfin, les notes sont de faibles ampleurs lorsqu'on les prend individuellement. C'est le champ, le bouquet, la succession des notes qui créé le paysage musical Fuck Buttons'ien. On peut même se la jouer et dire que c'est le taux d'existence de chaque note/ fleurs est exponentiellement proportionnel à leur nombre. Par opposition à une chanson rock où le solo de guitare après un silence résonne plus que les notes enchevêtrées.

II. Une organisation musicale semblable à un champ
Les premières minutes de chaque chanson sont toujours calmes, peu chargées, apaisantes. Forcement, à ce moment-là nous ne sommes pas encore dans le champ, on l'aperçoit de loin. Il n'y a des fleurs que devant soi, on est pas encore entouré. De même l'outro de chaque chanson, est aussi calme. Le champ et l'agitation florale disparait derrière nos pas. On note aussi la continuité entre les chansons, à la fin d'une chanson on aperçoit la suivante à quelques pas de là. Effet qui rappelle la continuité du déplacement à pied. On se déplace toujours à pied dans les champs, et jusqu'à présent on ne peut sortir de ses pieds, on est toujours sur pied. Quand bien même un méchant pas beau utiliserait une voiture pour parcourir un terrain pastoral, cet anti écologique ne se déplacerai pas dans le champ, mais seulement sur son siège de voiture. Le champ est associé à un flux, flux de notes qui se superposent tout en avançant tranquillement. On a une répétition des sons, faisant échos à la répétition des fleurs dans un champ.
De plus, dans The Lisbon Maru, les percussions font songer à une marche de groupe, une multiplicité d'individus, soudés les uns aux autres pour conquérir les sols de la colline d'à côté. Les mélodies utilisées sont simples ( voir le tutulututu de Olympians ) , vous pourriez les siffloter ( je ne sais pas siffler... ) On les a déjà mille fois entendues, du lyrisme banal. Mais avec tout le bordel qu'il y a derrière elles sont magnifiées. Et puis d'abord, le coquelicot ce n'est qu'une fine tige verte avec de fragiles pétales roses.
Il y a souvent reprise ou superposition d'une ancienne mélodie, ralentie. Cela permet d'insister sur le caractère infini du champ de fleurs. Infinis aussi bien dans l'espace que dans le temps. Enfin, on sait aussi qu’un champ est un ensemble de fleurs, chacune semblable, chacune différente. Ainsi même si toutes les notes de toutes les chansons semblent se ressembler, comme le dit notre bon vieux John Cage, elles sont toutes différentes.

III. Un pollen musical
Ce qui est sur, c'est que la musique Fuck Buttons'ienne est une musique qui va de l'avant, c'est un élan. Il n'y a pas de mélodrame, de tristesse, de remords, de regards tournés en arrière. Chaque note est tournée vers l'avant. Tel les champs de fleurs qui poussent inexorablement et pour toujours, malgré les bombes, guerres et stupidité en tout genre de l'être humain.
Mais il faut toutefois avoir une oreille attentive et ouverte, être prêt à accepter en se laissant guider. Certains abrutis s'ennuient alors qu'ils sont au milieu d'un champ de fleur. Contrairement à beaucoup de groupes de pop electro sans intérêts, la musique de Fuck Buttons est ancrés dans la terre. Les pollens légers s'envolent et viennent caresser nos narines, mais les fleurs restent en place et ne se fanent pas. Peut-être que les prochains albums risquent de ressembler à des bouquets de fleurs Monoprix, ou autres par terre de fleur de McDo. Mais pour l'instant, le son reste une expérimentation résolument moderne, qui cherche à atteindre notre cerveau. À l'image du clip de Surf Solar qui endommage quelque peu les neurones. La musique prend possession de nos émotions plutôt que simplement nous les suggérer. On est hypnotisé par toutes ses couleurs et odeurs subtiles.

Conclusion
Avec toutes ses nappes qui se superposent délicatement, ses petits son aigus et percussions tribales, son élan tout dirigé vers l'avant, Fuck Buttons constitue bien ce que l'on appelle ( enfin moi du moins) de la Noise Florale. C'est un mélange subtil entre Casimir l'île aux enfants, et du Merzbow pur et dur. Du coup Fuck Buttons c'est vraiment cool, et les gens le savent puisque ça se vend bien. Finissons par une citation de la chronique de Noise Mag, magazine au combien intéressant : " Tarot sport est un disque jubilatoire, qui dans un monde parfait constituerait la bande-son des clubs pour faire danser les kids."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire