3 février 2011

Mise en audition



Ce sont mes amis. Ils accordent leurs instrument. Je paye une tournée de bière, pour me sentir à l'aise. Aussi bien au niveau de la gorge que de l'ego. Difficile d'ouvrir le trépied à clavier, difficile de monter le son du clavier. Pour décapsuler les bières, ce fut facile. On se met en route. Le chanteur renverse sa bière, torse nu pour faire sa rock star auto-dérisoire, puis passe la serpillière à l'aide de son tee-shirt, en star de ménage. Il le remplace par une chemise. La classe. Les préliminaires sont toujours longs, le temps de frotter charnellement la peau des tympans, les cheveux de guitares, les uns avec les autres. On repart. Avec un peu plus de distorsion.
La brisure des mondes. Une armée en marche , une armée de soldats déjà au courant de l'abjection guerrière, déjà déçus, sans plus aucune illusion. Brisées. Terminées. Histoires Terminées. Ce rassemblement de beaux garnements s'appelle Histoires Terminées. Ils vont tout droit dans le feu des combats, la fumée des blindés, les carcasses de soucoupes volantes extra-néant. Le bassiste boit la bière réservé au batteur, ce n'est pas grave, il fait abstinence.

L'humain piétine la cendre, une bouteille de sperme fermenté à la main droite. La trinque sur une machine noire. En zigouillant un européen qui traîne, à sa gauche, d'une balle bien placé. Gros rire gras. Belle rasade. Plus en avant sur la terre vaine.

Un solo de piano vient se rajouter à l'incipit. Pour signifier le temps que la vision atteigne notre héros désesperados. Un silence précède l'impact de la première bombe. Cratère tragique. Le chanteur récupère sa bière perdu chez le bassiste. Salive commune. Il faut composer, il faut mettre en place. Se regrouper en cercle, s'échanger les instruments, pour trancher sur le cap à suivre. Certes, chaque matelot a sa fonction, propre, son artisanat personnel. Mais tous ensemble, on part plus confiant à l'abordage, tous ensemble, on tranche plus de tête adverse. C'est le jeu coordonné de deux grattes qui pose problème. Ce qui sonnait bien avant, désormais faux, dissonant. Mauvaise oreille, mémoire défectueuse, ou changement de constantes universelles. Nul ne sait. La pièce est à réinventer perpétuellement, en revenant sans cesse à son essence originelle. Bordons la gran'voile, rodons la coque, les vagues nous guident à la lisière.

Puis l'humain tire plusieurs coups en l'air, vers les nuages gris. La balle ne retombe pas. Elle ne retombera pas. Ou plutôt, elle est déjà retomber, elle ne fait que retomber, continuer le drame.

A un moment de la chanson, il se passe quelque chose, c'est indéniable. Appelez cela Musique au sens oligarchique, néo-émotions, évènement immanent, ou explosion massive de synapses. Comme vous voulez Ce que cela veut vraiment dire, s'exprime en notes. Si l'un des membres rate le coche, cela n'arrive pas. Alors il faut refaire le coche, retiré un bon coup. La basse perdure, peu importe les fluctuations du code civile. Les autres arrangements se sédentarisent. Savoir où partir, quand partir, pour partir ensemble. On aurait du enregistrer les balbutiements des groupes panthéoniques, afin de comprendre comment construire une symphonie à échelle humaine. Cela ne surgit pas dès les premiers biberons. Un travail est nécessaire. Un recommencement. Reprenons après digestion progressive.

Déhanchement nucléaire, sur fond de gouffre. Un humain se ballade entre deux néants. Il lance une larme à l'horizon. Nuées de corbeaux atomiques. Fondent sur le monde, et le brise. Non. Il faut instaurer un jeu de question réponse entre les deux guitares. On reprend.

Pluie grise s'éclate un morceau. Érosion creuse un gouffre. Un humain chute dans la faille. Son corps tombe horizontalement, au ralenti. Il regarde l'écran néant au dessus de lui. Ce que certain appelle ciel. Ciel d'un monde brisé. Non. Un léger silence est nécessaire avant le deuxième assaut. Pour que les coups portés aient plus de poids. On reprend.

Égorges éventres et cris à haute voix ce que tu  vas écrire sur ton épitaphe, couds ton propre cercueil, transforme-les en machine de guerre. Tire. Tire. Fais Feu violemment. Fais un amas de cendre. Et brise la braise, brise la braise, tu devras briser la braise. Non. Les cadavres ne doivent pas avoir le temps de se reposer, la pause doit être moins longue.On reprend.

C'est la vague militaire qui arrive au loin. C'est les funérailles de la rupture. C'est la berceuse que l'on chante, au moment où le monde rentre dans son dernier sommeil. Ce qui brise le monde réel. Non. Erreur de temps sur la plainte orale. On reprend.

Une dernière avant de partir. Quatre pieds tapent le sol, soit quinze orteils droit et un talon gauche.

Un humain marche le long de la brèche. Ses pas sont lourds, sa respiration se fait de plus en plus difficile au fur et à mesure qu'il progresse. Ce siffle. Apocalypse en dehors, et à l'intérieur de lieu. Il continue d'avancer. Puis.

On débranche, range les fils et le clavier, replis le trépied. C'est terminé. TALES OFF

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